L'aventure d'une plume

L'aventure d'une plume

Les carillons du pêcheur


Les carillons du pêcheur

J'ai voulu m'essayer à écrire une description reflétant les états d'âmes du narrateur.        

 

 

          La brise d’été s’engouffra tendrement dans la pièce par la fenêtre. L’étendue de l’océan m’offrait toute son immensité. Quelques empreintes marquaient la plage et attestaient de l’activité journalière des vacanciers ; celles des premiers pas, celles d’une course effrénée, celles d’une balade innocente ou celles témoignant des années passées. Seulement, le soir, au moment où le soleil s’apprêtait à disparaitre au profit de sa jumelle, l’infinie du paysage retrouvait sa solitude. Le même rituel tous les soirs depuis ma maison, ancienne cabane de pêcheur, me forçait à m’interroger sur ma propre solitude. J’étais seul dans un deux pièces. Le nécessaire pour vivre paisiblement. Un lit double où la tête de lit était rénovée par mes soins à l’aide de planche de bois rustiques. Les murs reflétaient soit l’océan soit la couleur des anges. Une table, simple, en bois également venait se blottir dans un recoin près de la modeste cuisinière. Seul un éternel vase rempli de géranium de Madère s’installait sur la table. De temps à autre j’y déposais mon journal ou un café. La porte de la salle de bain restait constamment ouverte ; la pudeur n’avait pas lieu d’être lorsque la solitude rythmait vos journées. La maisonnette se dressait sur des pilotis comme dans le temps. De l’extérieur mon habitat semblait tristement abandonné ; il faut dire qu’il ne possédait qu’une fenêtre qui nourrissait mes pensées chaque soir. Le signe de vie pouvait être caractérisé par les nombreux carillons en coquillage devant mon entrée. Lorsque le vent secouait la côte, toute la maison absorbait le son de l’océan. Tel ce soir, le vent était fort et me giflait à chaque bourrasque. La puissance des vagues couplée aux rafles créait une irrésistible mélodie.

 

          Néanmoins, le soleil n’était pas encore couché et émettait jusqu’à la prochaine aube. Ses couleurs se mélangeaient à ma journée, s’inscrivaient dans mon quotidien, mais révélaient tous les soirs une nouvelle nuance. Le jaune tendre, synonyme des nombreuses nappes des anciens pique-niques en famille tous les dimanches midi sur la colline non loin de l’estuaire, s’alliait ou se confrontait à l’orange intense des soirs de juillet. Ce même orange qui recouvrait mes volets. Ce même orange qui me fascinait depuis mon plus jeune âge. Ce même orange qui marquait sa bouche, à elle. Cependant, le dernier bleu ciel des chaudes soirées s’était effacé devant le gris orageux. J’assistai à un duel entre les vives couleurs et la colère des cieux. Les unes souhaitaient rependre leur joie et leur insouciance tandis que l’autre ne songeait qu’à déverser ses longs cris sans étincelles. Toutefois, seul le tonnerre faisait son apparition ce soir, la foudre et les éclairs se réservaient pour des nuages et des sentiments plus instables encore.  Notre soleil s’éteignit après avoir illuminé chaque parcelle de ma journée. De la même manière qu’elle s’était envolée à la fin d’un été.

 

          Je me souvins de ses éclats de rire au zénith de soleil. De sa robe corail, une autre nuance qui peignait toutes mes soirées, qui virevoltait devant ma fenêtre. Elle tournait jusqu’à l’ivresse, jusqu’à rejoindre le soleil avant son départ. Tous les soirs je ne désirais rien de plus que d’accéder à cette étoile, de rejoindre sa douce chaleur qui m’avait passionné et rassuré. Mais elle n’était qu’éphémère. Elle n’était qu’un souffle parmi les milliards d’expirations et n’était jamais revenue. Une larme coula sans que je la quémandasse. Elle tomba sur la commissure de mes lèvres. Son goût salé déclencha le souvenir de ses baisers sortis d’un bain de minuit. Puis le souvenir de la sensation que me procurait ses lèvres sur les miennes. Le sourire qu’elle avait l’habitude de faire après le premier contact. Ensuite la pression plus sauvage qui suivait. Et enfin ses mains qui s’emmêlaient dans mes cheveux tandis que les miennes cherchaient le creux de ses reins. Et la trace de ses pieds nus sur le sol en bois à l’entrée ressurgit en même temps que son fantôme. Une grimace de nostalgie prit possession de mon visage. La douleur m’assenait et je sentis mon esprit s’évader à la vitesse des orages. Mes doigts s’enfonçaient désespérément dans le rebord de la fenêtre à la recherche d’une ancre.

 

         Ce couché du soleil était plus lancinant que d’autres. Elle s’était évaporée un soir d’orage. Et je n’avais pu m’empêcher d’être inquiet plutôt qu’en colère contre son égoïsme et sa lâcheté de n’avoir laissé qu’un seul mot. Toute ma vie je me souviendrais de son écriture et de sa phrase : « Je ne suis qu’une tempête, tu resteras mon plus grand regret ». Sa tempête s’était transformée en ouragan au fils des années. J’entendais partout que le chagrin s’effacerait avec le temps.

 

            Le soleil décida enfin de laisser sa place. Le tonnerre grondait toujours. Mes larmes séchèrent. Et comme tous les soirs, malgré mon désespoir, je souris en espérant tirer ma dernière révérence. La fenêtre était fermée.

 

Lisbeth Amirel

 


16/06/2018
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